"Le cépage et le terroir ont un potentiel énorme, mais trop peu exprimé", affirme Jean-Philippe Thomson, un autodidacte installé depuis 2001 entre les rivières Sèvre et Maine.
La profession s'efforce, en fait, d'améliorer le "petit blanc de Nantes" depuis près d'une décennie. Les spécialistes reconnaissent que la qualité a beaucoup progressé, mais les prix de vente stagnent.
Car le muscadet garde l'image d'un "vin de soif", quand les consommateurs privilégient depuis longtemps le "vin-plaisir", et plus encore depuis les nouvelles lois sur la sécurité routière. Résultat: sur quelque 100 millions de bouteilles produites en 2002, le tiers a été distribué en hard-discount, et la proportion augmente.
Bien des producteurs, jeunes ou pas, s'essaient donc désormais à créer des vins originaux, quitte à s'éloigner de l'esprit de l'appellation.
Jean-Philippe Thomson est l'un d'eux. Nantais d'origine, la quarantaine, cet ancien courtier dans la grande distribution a acquis son domaine de 17 hectares "par passion". Il le conduit sans respect excessif des habitudes locales.
Son muscadet est issu de vignes vieilles de 35 à 100 ans, et vinifié tardivement "pour plus d'ampleur". Ce vin remarqué par une revue spécialisée n'a plus grand-chose du caractère aimable, très légèrement pétillant de l'appellation. Il s'en féliciterait presque: "Ce qu'on fait ici est bien trop acide en général".
Pour enfoncer le clou, le vigneron utilise des bouteilles à bourgogne. Même la réfection de la maison de tuffeau au centre du domaine s'est inspirée de l'exemple des grands crus: les allées sableuses ont été couvertes de gravier, et des rosiers ponctuent le parc dans un style "volontairement bordelais".
En misant beaucoup sur l'exportation directe, notamment vers les Etats-Unis, Jean-Philippe Thomson parvient à vendre son vin de 5 à 8 euros la bouteille, un prix très flatteur pour l'appellation. Il n'hésite pas, pour convaincre, à créer des étiquettes spécifiques. L'une d'entre elles, à destination des restaurants new-yorkais, reproduit le billet d'un dollar.
L'exemple radical de Jean-Philippe Thomson rejoint en partie les voeux de l'interprofession, qui s'apprête à lancer un plan de restructuration sévère du vignoble.
Le territoire du muscadet va être limité à la proche région de Nantes, et l'arrachage des plants de vigne sera encouragé. De gros efforts vont aussi être consacrés aux muscadets de haut de gamme, qui bénéficieront de nouvelles AOC communales.
Ceux qui, Britanniques notamment, continuent d'apprécier surtout le muscadet pour sa simplicité n'ont toutefois rien à craindre: le muscadet dit "générique" représente encore la moitié de la production. |